Dans un dispensaire de cannabis à San Francisco, le 18 mars. JEFF CHIU / AP
De l’autre côté de l’Atlantique, en Californie, dans l’ouest des Etats-Unis, la municipalité de San Francisco a elle aussi été contrainte de faire machine arrière sur certaines des mesures prises, lundi 16 mars, dans le cadre du confinement. Dès le lendemain, la maire, London Breed, faisait ainsi savoir que les dispensaires de marijuana garderaient finalement leurs portes ouvertes pour les clients.
« Le cannabis est un médicament essentiel pour de nombreux habitants, a fait valoir le département de la santé publique de San Francisco dans un tweet. Les dispensaires peuvent continuer à fonctionner comme des entreprises essentielles pendant cette période, tout en pratiquant la distanciation sociale et d’autres recommandations de santé publique. »
En France, nous n’avons pas ces dispositifs et des patients vont consulter pour être aidés. Cela est difficile en télémédecine. Nous restons des médecins de premier recours.
En ce qui concerne les personnes en manque d’opiacés, proposons de la buprénorphine (la primo prescription de la méthadone nous est hélas interdite).
Quelques règles :
• prescription de 8mg par jour de buprénorphine pour 7 jours (penser à noter le nom de la pharmacie qu’il est bon d’appeler pendant la consultation)
• le comprimé se met sous la langue qui fera clapet pendant 7 minutes. Eviter de saliver, le patient ne devrait pas sentir le goût, sinon c’est qu’il salive trop et cela va sur les papilles gustatives. Dans ce cas, l’efficacité sera moindre et des épigastralgies peuvent avoir lieu.
• dire au patient qu’il doit attendre les premiers signes de manque car s’il a encore un peu d’héroïne dans le sang, la buprénorphine va sortir l’héroïne des récepteurs et se « lier » à l’héroïne pour être inefficace, d’où un syndrome de manque aigu.
• qu’il prenne d’abord ½ comprimé soit 4 mg puis attendre 3 heures. Si le manque est toujours là, il reprendra le demi comprimé restant.
• le lendemain le patient reprendra la dose qui lui convient (4 ou 8 mg). Si ce n’est pas suffisant qu’il augmente de 4 mg par jour (8 ou 12 mg) et ainsi de suite. Il peut monter jusqu’à 16 mg voire 24 mg par jour. La prise est plus efficace si elle est faite en 1 seule prise sur 24 heures. Les prises multiples sont surtout le fait d’une anxiété des patients.
• si les doses sont trop fortes, 3 signes :
- Somnolence
- Céphalées
- Douleurs abdominales
On diminue alors les doses.
• revoir (ou téléphoner) le patient 3 jours après (si possible) puis 7 jours après. Refaire l’ordonnance avec la dose convenant la mieux au patient. Faire un chevauchement si l’ordonnance est épuisée rapidement. Restons en contact avec le pharmacien.
• pour les injecteurs, la buprénorphine sera peut-être utilisée par voie IV. Dans ce cas, ne pas s’opposer au patient mais préciser qu’il y a des filtres, des seringues à usage unique. En parler avec le travailleur social qui peut aussi apporter des solutions.
Lorsqu’une personne injecte de la buprénorphine, en général, il y a au moins 3 injections par jour. Le rythme des injections est diminué quand le patient met une dose sous la langue.
Certains patients ne voudront pas de la buprénorphine et ce pour de multiples raisons. Il faut alors contacter le CSAPA de proximité pour débuter un traitement méthadone et voir avec le médecin comment articuler rapidement le soin.
D’autres vont enfreindre le confinement, les autorités vont verbaliser et peut-être que des mesures d’emprisonnement seront prises pour les récidivistes avec un syndrome de manque en cellule. N’hésitez pas à débuter le traitement opiacé sur les mêmes bases.
En ce qui concerne les personnes en manque de cannabis
• le syndrome de manque physique dure quelques jours (3 à 5). Rassurer les patients et les prescriptions seront des anxiolytiques avec des doses très variables (par exemple Seresta de 10 mg x3 à Seresta 50 mg x3), des hypnotiques (Zopiclone par exemple pour quelques jours seulement), des antalgiques de niveau 1, des AINS (déconseillés en période COVID) et du Spasfon si douleur abdominale.
• certaines personnes utilisent le THC comme automédication, antidépresseur, anxiolyse, action sur l’hyperactivité, voire antipsychotique. On peut introduire un neuroleptique dans certains cas (Théralène par exemple) ou des neuroleptiques plus ralentisseurs comme le Tercian.
• le syndrome de manque psychologique est important, des bains et douches font également du bien.
Que la personne prévoie des activités variées idéalement 6 à 8 par jour : lecture, jeu vidéo, télé, musique, puzzle, dessin, cuisine, écriture, téléphoner à des amis, balade brève et de proximité autorisée, etc. (l’attention réduite en période de sevrage ne permet pas des activités longues). Des exercices de relaxation de cohérence cardiaque peuvent être utilisés.
Je propose souvent https://www.youtube.com/watch?v=dGJkzyKHKUE
Mais vous avez surement d’autres solutions et les psychologues peuvent également accompagner dans ces cas-là.
Surtout, communiquez entre vous et n’hésitez pas à m’appeler si les prises en charge sont compliquées.
Bon courage à vous tous !
Bernard CAULE
Coordinateur Médical MSMA